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La Commingeoise

Dernière mise à jour : 26 mars 2020

En ces temps confinés, on va pas se mentir, on fait un peu l'apéro tous les jours... C'est un moyen de conserver le lien avec ses proches et ses amis, que ce soit en visio, ou pour les plus chanceux, dans la cuisine ou le salon avec ceux qui nous entourent. Du coup j'avais envie de vous faire découvrir un reportage que j'ai réalisé dans une petite brasserie artisanale, la Commingeoise.


En Octobre 2017, j'ai passé une journée avec François Laroche, Brasseur local installé à Sepx dans le Comminges. Il ma fait l'honneur de brasser son délicieux breuvage bio certifié Nature et Progrès, agrémenté de son houblon lui aussi bio et cultivé par ses soins.


Voici l'histoire qu'il m'a conté.

 

D’une vie pleine de vies, navigant entre curiosité et humilité, François Laroche a jonglé avec les jobs au grès de ses envies. Il aime apprendre, aller jusqu’au bout de ce qu’il entreprend, puis passer au projet suivant. C’est un sérial-entrepreneur à la sauce baroudeur !

J’ai suivi François, lors d’une magnifique journée ensoleillée, pour la fabrication de sa blonde à bulles appréciée des amateurs de bière, la Commingeoise.

La fabrication de la bière est le résultat d’un équilibre complexe et chaque étape a son utilité. Elle rythmera notre journée de brassage :

  • Le Concassage du malt (plusieurs variétés, avec des pourcentages différents suivant les recettes)

  • L’Empattage ou « cuisson du malt », dans l’eau, à différents paliers de température pour en extraire les sucres

  • L’Ebullition, qui permet la séparation du liquide et des matières solides. Faire bouillir le moût permet aussi de le pasteuriser

  • Le Houblonnage, après avoir séparé le moût, il est chauffé jusqu’à ébullition, et le houblon est ajouté pour donner l’amertume

  • Le refroidissement du moût, c’est à ce moment que les levures sont introduites

  • Après la fermentation, la bière est mise en bouteille, et on ajoute du sucre pour la re-fermentation en bouteille

Enfin, elle repose un mois minimum. Il n’y a plus qu’à déguster !



L'accueil

Le domaine de François est à l’entrée du village de Sepx. J’emprunte un chemin caillouteux sur quelques centaines de mètres et me voilà arrivé au « Domaine du Cap ». Les aboiements de Loulou nous indiquent qu’on s’approche de la maison. Son grand jeu est d’essayer de manger les pneus des voitures quand elles approchent de la maison. Son affection pour les nouveaux venus déborde dès l’ouverture de la portière de la voiture.

François a installé sa brasserie au rez-de-chaussée de la maison qu’il a construit de ses mains il y a quelques années. La maison est magnifique, avec une vue dégagée sur les montagnes des Pyrénées. Cela fait maintenant trois ans qu’il brasse sa bière artisanale. Il n’y est pas venu par hasard. C’est un retour à ses racines, et l’envie d’accomplir un de ses rêves qui l’y ont conduit.


François : Ayant des attaches bourguignonnes, je me suis toujours dit que je ferai un jour du vin. Après toutes ces expériences de vie, je me suis réellement posé la question, « Ai-je le temps de développer une parcelle de vigne ? ». Mais, approchant de la retraite, et sachant que le développement des pieds de vigne prend environ 5 ans, j’ai préféré me mettre à la fabrication d’un breuvage qui peut être aussi complexe, la bière. Par esprit pratique essentiellement. La production est plus rapide, et cela m’a permis de rester dans mon activité initiale, la production agricole, grâce à la culture du houblon bio.

Ce n’était pas gagné d’avance, bien sûr, mais si on me dit que c’est impossible, j’y vais quand même !


Ca brasse

A peine arrivé, pas le temps de discuter, le brassage a déjà commencé et il ne faut pas le laisser sans surveillance trop longtemps. Le malt est déjà concassé et mis en cuisson. C’est la base de la fabrication de la bière. Chaque brasseur développe sa recette, en assemblant différentes variétés de Malt, à des pourcentages différents. La première phase de cuisson est l’empattage. Le mélange est chauffé à différents palliers pour extraire les sucres du malt.


Son installation est artisanale. Les produits qu’il utilise ainsi que son processus de fabrication lui ont permis d’obtenir le label bio Nature et Progrès. Accoudé à son installation, il m’explique comment il a rapidement développé la brasserie.

Pour développer ma brasserie et distribuer ma production, je me suis appuyé sur le circuit des Biocoop que j’avais développé lorsque j’avais la ferme de plantes médicinales. En les sollicitant, je me suis rapidement aperçu qu’ils étaient plus intéressés par ma nouvelle production que par les tisanes bio que je leur fournissais à l’époque. J’ai aussi démarché d’autres magasins bio de la région et des épicerie fines.


Son organisation est minutieuse. Du haut de son mètre 90, François a les yeux qui pétillent quand il parle de sa pratique. Il me montre ses carnets de suivi, avec les quantités de chaque ingrédient, numéros de lot, litres de bière produits. Tout est consigné. Cela lui permet d’avoir un suivi rigoureux de sa production.

Aujourd’hui je brasse des cuvées de 150 litres. La demande étant grandissante, je suis en train d’installer une nouvelle brasserie, plus grande, au sein du village de Sepx. Je pourrais ainsi tripler ma capacité de production, et présenter la bière aux amateurs dans de meilleures conditions. J’ai une gamme de 7 bières, Blonde, Brune, Ambrée, Blanche, Rosé, Printemps bière de saison, Hiver bière de saison, et j’en produis environ 50 hectolitres par an, toutes bières confondues, la plus demandée étant la blonde.


La fin de l’empattage sonne l’heure du repas. Il est temps de faire une pause, et mon hôte m’invite à déjeuner. Un repas sur le pouce, avec des produits du jardin, ou de ses copains. Au cours des années, il a tissé une bonne relation avec les gens du village, et des environs. Le repas sera donc un prétexte pour en savoir plus sur lui, et sur ce qui l’a amené jusqu’à la fabrication bière.

Jeune, j’étais moniteur en colonie de vacances, ce qui m’a amené à travailler dans le centre culturel de Yerres en région parisienne, où je m’occupais des enfants. En parallèle, je débutais une formation sport-étude en athlétisme. J’avais un assez haut niveau, ce qui m’a permis de rencontrer des athlètes de renom lors de compétitions et manifestations sportives. Mais cette carrière ne m’était pas vraiment destinée. A force de travailler au centre culturel, je me suis approché de leur salle de spectacle. Rapidement, j’ai commencé à donner des coups de main le week-end, lors du montage des scènes et de la préparation des représentations. Jusqu’au jour où l’on m’a demandé de venir chercher ma première paye… J’avais le pied à l’étrier, je suis revenu tous les week ends suivants !

Mon investissement dans le spectacle grandissant, l’école est progressivement devenue secondaire. La préparation des spectacles me mobilisait chaque semaine, du mercredi au dimanche.

En 1972, la Compagnie Claude et Colette Monestier, avec son Théâtre sur le fil, vient tester sa nouvelle création. La compagnie est alors une troupe de marionnettistes de renommée mondiale. Elle est considérée comme novatrice dans sa pratique du spectacle vivant. Ils m’ont engagé à la suite de la représentation. C’est ainsi que j’ai fait le tour du monde avec eux, à monter les scènes, mettre en son et lumière les représentations, jusqu’en 1982.

J’ai ensuite développé ma propre entreprise d’éclairage et de sonorisation. Je travaillais alors avec les premières consoles automatisées. A cette époque, le groupe Génésis fait développer les premiers projecteurs à mouvements automatisés. En parallèle, un français développe aussi ses projecteurs mais avec un système différent. Il met au point des miroirs pilotables permettant de rediriger les faisceaux lumineux. Nous nous sommes rencontrés, et rapidement nous avons développé son système automatisé avec la console que j’utilisais. Grâce à ce matériel, j’ai travaillé sur de très gros festivals et concerts, comme le Mandela Day, à Wimbledon en 90, et les concerts de la japonaise Yumi Matsutoya. Par la suite j’ai accompagné des opéras (Victorio Rossi,…) et des tournées avec Pierre Palmade. J’ai terminé ma carrière avec les 5 premiers concerts de Johnny Hallyday au stade de France en 99. J’avais à cette époque envie de changement, de revenir à une vie plus simple et plus proche de la terre et des gens.


Changement de vie

C’est à cette époque que François décide de changer à nouveau de vie, en se rapprochant de la terre. Il a décidé au début des années 2000 d’acheter un ferme et quelques dizaines d’hectares dans les environs du village de Sepx, et d’y devenir agriculteur. Grâce à son CIF (Congés Individuel de Formation), il a passé un diplôme d’agriculteur. Son projet était alors de développer une ferme dans l’esprit de l’Agro-Tourisme.

J’ai construit un élevage de moutons, de cochons noirs, et développé un grand potager. La production de légumes étant très importante, je pouvais en revendre une partie sur les marchés voisins. La ferme était en assez mauvais état. Je l’ai rénovée par étapes. La première année j’ai travaillé sur les enclos, pour pouvoir élever les animaux dans de bonnes conditions. La seconde, deux chambres pour pouvoir développer mon projet d’agro-tourisme et les mettre à la location. La troisième année, deux autres chambres, et la quatrième, un gîte. J’ai poursuivi mon activité de chambre d’hôtes jusqu’en 2008, à la suite de quoi, j’ai revendu l’exploitation. En parallèle, dès 2005, je développais une entreprise de rénovation dans le bâtiment.


En 2008, Il crée une ferme de plantes médicinales, grâce aux connaissances acquises lors d’une formation à l’école de Lyon. Il développe la production jusqu’en 2015. Il a ensuite vendu l’exploitation à des jeunes, pour se consacrer à son activité actuelle, la fabrication de la bière de façon artisanale.


Au bout d’une heure, un bon repas, un bout de vie, un verre de vin et un morceau de fromage plus tard, il est temps de redescendre s’occuper de la bière, avant qu’elle ne refroidisse de trop. L’étape suivante consiste à séparer le moût du malt cuit. François ouvre la vanne en fond de cuve en veillant à placer une passoire pour ne pas que le malt accompagne le moût dans la cuve suivante. La pratique est artisanale, la main est sûre. Un bouchon de malt est récupéré, et la suite du transfert peut se faire sans filtre. François m’explique que la pression et le poids du malt l’empêchent de s’écouler avec le liquide.



Le moût est maintenant dans la cuve. Il faut le faire chauffer jusqu’à ébullition. Cela permet de séparer le liquide des matières solides qui persistent, mais aussi de pasteuriser le mélange. Ce n’est qu’à ce moment-là que le houblon est ajouté. Il donne l’amertume au mélange. Chaque variété apporte sa particularité à la bière.

A la fin de cette étape, François ajoute de nouveau du houblon. Cela libère les huiles essentielles et apporte une touche de subtilité et de la complexité. La majeure partie de celui qu’il utilise est issue de son champ.

Dès le début de ma brasserie, j’ai développé la culture de houblon bio en respectant les exigences du label Nature et Progrès, que j’ai obtenu. J’ai voulu élever ce type de culture, parce que je trouve qu’il y a un malentendu avec l’appellation « bière bio », qui peut être fabriquée sans houblon bio, ce que je trouve anormal. L’information n’est pas précisée de manière claire sur ce type de bières. Avec le label Nature et Progrès, pas de bière sans houblon bio ! Pas de tromperie.

Aujourd’hui je produis 80% de ma consommation de houblon bio. Les 20% restant je les achète. Mais d’ici l’année prochaine, ma production devrait largement couvrir mes besoins. Je suis en train d’agrandir le champ de houblon.

En France, il n’existe que très peu de culture de houblon bio. Cette culture représente environ 400 hectares de terrain, dont 40 de biologique. La majorité des brasseries artisanales souhaite aujourd’hui faire du bio. Il existe de fait un phénomène de pénurie, puisque la production bio n’y suffit pas. François a commencé à vendre des pieds de houblon bio pour que cette culture puisse se développer.

Au printemps, je dois récupérer les rhizomes de mes plantations. Au lieu de les jeter, en les replantant, je peux les faire germer et les rendre cultivables. Etant aujourd’hui le seul à les vendre sur internet, les commandes ont rapidement explosé, 500 pieds en 2016, presque 1000 en 2017, avec une demande que je ne peux pas toujours honorer faute de produits disponibles.

La phase de houblonnage terminée, le moût doit être refroidi rapidement pour éviter le développement non maîtrisé de levures. François mélange alors le moût avec une grande spatule pour que les particules solides s’amoncellent au centre du fut, et lance le transfert du moût vers un autre récipient. Le liquide transite ainsi par un refroidisseur, et passe de 90° à une vingtaine de degrés. Il en extrait un petit litre pour en mesurer la densité, et en déduire la teneur en sucre. C’est à ce moment que les levures sont introduites. Le fut est alors hermétiquement fermé et mis à fermenter pour environ un mois, en fonction du type de bière brassé.






Il ne restera plus que la mise en bouteille, et l’ajout d’une petite quantité de sucre pour assurer une re-fermentation, avant de la déguster !

Si je devais en choisir une, je dirais que j’aime bien la bière de printemps quand il fait chaud, elle est très rafraîchissante, et l’ambrée l’hiver ! Mais globalement, je les apprécie toutes. Elles se marient avec un temps particulier, un repas… Il y a un moment pour chacune d’elles !


Parole d'expert

La tendance est aujourd’hui au local et à l’artisanal dans tous les domaines et il existe un véritable engouement autour de la bière artisanale. La production industrielle représentant 99,8% du marché, cela laisse une bonne marge de manœuvre au développement des petites brasseries. A priori, l’artisanat de la bière a un bon avenir, même si les gros industriels commencent à racheter les brasseries artisanales les plus rentables.

Une question persiste pour François. « Lorsqu’une brasserie grossit, jusqu’à automatiser sa production, peut-on encore parler d’une production artisanale ? Quelle est la limite de cette appellation ? Pour moi, cela reste surtout lié à l’état d’esprit qui entoure cette activité ».

Au delà de l’engouement autour de l’artisanat, ce qui fascine dans la bière c’est sa diversité. C’est ce qui a fait chavirer François dans cette surprenante et délicieuse aventure. Il veut « Avoir des surprises, bonnes ou mauvaises, à chaque nouvelle bière, découvrir chaque cuvée, et être surpris sans cesse ! ». Sur 30 brasseurs différents qui font une bière blonde, pas une ne se ressemble. C’est là que réside la diversité de son métier et sa force.

Si vous passez dans la région de Saint-Gaudens, ou autour de Toulouse, n’hésitez pas à entrer dans un magasin où l’on peut trouver la Commingeoise. Elle se laissera déguster au grès des saisons, avec plaisir.




 

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