Témoignage post confiné #1 - Sacha – Chirurgien-Dentiste
Sacha est chirurgien-dentiste depuis 8 ans à Toulouse. Elle a vécu un confinement complexe du début à la fin, notamment avec les difficultés de prise en charge des patients en urgence, et les annonces gouvernementales qui ne lui ont pas permis de se positionner sur la fermeture de son cabinet.
Cette incertitude autour de sa profession l’a poussée à se mobiliser avec ses confrères de la région Occitanie. Ils ont organisé une régulation pour prendre en charge les urgences.
Pallier les urgences
Sacha : « Les premières annonces du gouvernement nous ont mis en colère. Notre profession a été oubliée dans le décret de fermeture des établissements. Il a fallu que notre Conseil de l’Ordre nous demande de fermer tous les cabinets. Nous attendions que l’ARS se positionne rapidement pour nous éviter un flou juridique. »
Sacha et ses confrères ont finalement écouté les recommandations de l’Ordre, mais l’incertitude autour des conditions administratives de cette fermeture les a beaucoup affectés.
L’autre point crucial était la prise en charge des urgences des patients. Ils ont rapidement organisé des gardes avec un centre d’appel pour coordonner les prises en charge. Les praticiens de garde ont mutualisé le matériel de protection afin de pouvoir accueillir et prendre en charge les patients dans des conditions optimales.
Au centre de coordination, les appels étaient régulés afin de pouvoir prendre en charge les urgences et les orienter vers les cabinets de garde, rédiger des ordonnances le cas échéant, et surtout rassurer et ne pas laisser les patients dans l’incertitude et la douleur, parfois.
Préparer l’après
Il était difficile d’envisager la reprise avant de remettre un pied dans le cabinet. Sans matériel de protection adapté, et dans des espaces restreints, croiser les confrères reste difficilement possible et aura forcément un impact sur l’activité. L’espace de travail de Sacha est assez petit, et cela l’a obligé à repenser l’organisation du cabinet et les procédures. « Nous avons investi dans des casiers, aménagé un espace pour se changer, stocker les tenues propres, aménager la salle d’attente à deux personnes. On envisage de faire attendre les patients devant le cabinet lors des phases d’affluence. »
La réintégration du cabinet a impliqué de nombreux investissements : des blouses lavables, des masques et des visières, une machine à laver sèche linge. Il a été difficile de trouver du matériel à usage unique. La majorité des fournisseurs était en rupture de stock et les délais de livraison incertains, de fait.
« Lorsque nous avons commencé à chercher du matériel de protection pour anticiper une possible réouverture du cabinet, nous n’avons trouvé que des tenues plastiques jetables qui ressemblent à de gros sacs poubelles. »
Finalement, après de nombreuses recherches, ils ont réussi à s’équiper correctement, mais pas encore en quantité suffisante.
S’organiser pour soigner
Pour leur activité, les dentistes doivent porter leur tenue habituelle en coton, un masque chirurgical, des gants et des lunettes de protection. C’est une profession habituée aux mesures d’hygiènes contraignantes du fait de son activité. Avec la Covid-19, ils doivent aussi porter une sur-blouse, un masque FFP2, une charlotte et une visière de protection. Tout ce matériel est obligatoire pour deux raisons : « Nous passons notre temps penchés sur la bouche de nos patients (réservoir majeur du virus), et nos instruments à moteur produisent des nuages de gouttelettes, ce qui augmente les probabilités de transmissions, sans protections et protocole de nettoyage adaptés. »
« Nous avions déjà beaucoup de normes d’hygiènes à respecter, du fait de notre activité. Cela nous a tout de même obligés à repenser notre organisation et notre manière de travailler. »
C’est un point positif pour Sacha. Cela les a poussés à sortir d’une routine de travail. Les nouveaux protocoles mis en place leur permettent une meilleure prise en charge, même dans ces conditions particulières, et les obligent à s’adapter.
Tout a été compliqué, et l’est encore dans la recherche du matériel nécessaire à la réorganisation du cabinet. Chaque élément est difficile à trouver, de nombreux éléments de protection sont en rupture, et jusqu’à aujourd’hui, les délais de livraison sont incertains. Le pire est que le prix des masques chirurgicaux a été multiplié par dix. « Pour nous c’est une charge qu’il faudra bien assumer, mais pour les patients dans des situations sociales et économiques complexes, cela devient insoutenable ».
Ce qui est sûr pour Sacha, c’est qu’il ne leur sera pas possible de reprendre une activité à 100%. Avec ses associés, ils aménagent les horaires pour se croiser le moins possible, se changer en arrivant dans de bonnes conditions, et décaler le temps de déjeuner. Un des associés réalise d’ailleurs sa journée entre 9h et 15h non-stop.
L’État a finalement doté les cabinets de masque pour la reprise. Les dentistes ont une dotation de 24 masques FFP2 par semaine, qu’ils peuvent récupérer en pharmacie avec leur carte professionnelle. Mais ces derniers ne sont pas encore disponibles sur tous les territoires. Certains praticiens doivent donc reprendre l’activité sans aucune aide.
La reprise
Même si les contraintes sont nombreuses, Sacha et ses collaborateurs s’adaptent pour répondre aux besoins de leurs patients et les recevoir dans de bonnes conditions.
Sacha : « Pour chaque rendez-vous, si les conditions météorologiques le permettent, je dois laisser la fenêtre ouverte afin de limiter la stagnation des gouttelettes dans l’air ambiant, et aérer l’espace de travail au moins 15 minutes entre chaque patient. Cela a tendance à allonger la journée et à limiter le nombre d’interventions. »
Elle doit anticiper au maximum la composition du matériel dont elle aura besoin en fonction des interventions de la journée. « Je veux limiter au maximum la manipulation des espaces de rangement au cours d’un rendez-vous pour ne pas avoir les contaminer et augmenter les temps de décontamination entre deux patients. » Mais ce n’est pas toujours possible. Alors les journées portent leur lot de stress et de fatigue.
Toutes ces nouvelles mesures n’enlèvent pas l’angoisse d’une contamination, même si notre département est peu touché par le virus pour le moment. La peur de contaminer un patient, notamment avec le risque de contamination croisée est toujours là.
Sacha et ses confrères limitent donc le nombre de patients dans la salle d’attente, et proposent des rendez-vous suffisamment espacés pour pouvoir tout désinfecter et aérer. Ils organisent leurs rendez-vous en fonction des profils de patients et de leurs besoins. Par exemple, les personnes fragiles seront prioritairement accueillies le matin, afin de limiter la probabilité de persistance du virus entre deux patients. Les patients en suspicion de covid ou covid positif se voient proposer des créneaux en fin de journée pour pouvoir limiter les risques de propagation et avoir plus de temps pour appliquer les protocoles d’hygiène.
La reprise ne s’est pas faite sans difficultés, et cette situation inédite ne sera pas sans conséquences que ce soit pour les professionnels de santé ou pour toutes les autres professions qui ont vu leur activité s’arrêter brusquement. « Cela aura une répercussion sur le nombre de dentistes en activité » précise Sacha. Un certain nombre d’entre eux risquent d’anticiper leur départ à la retraite ce qui aura pour conséquence d’augmenter le nombre de patients dans certains cabinets. Et dans ce contexte, il sera de plus en plus difficile de prendre en charge les patients rapidement et dans de bonnes conditions.
un dentiste sacha dentister avec humour ! bravo !
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